« La fin du village » C’est le titre de l’ouvrage récent du sociologue et philosophe Jean-Pierre Le Goff.
Immergé durant trente années à Cadenet, un village provençal du Lubéron, Jean-Pierre Le Goff l’a vu peu à peu se transformer et perdre son identité sous le rouleau compresseur de l’inarrêtable modernité.
« Tout fout le camp » à Cadenet : les traditions provençales, le petit commerce, les amours d’autrefois, même la pétanque n’est plus ce qu’elle était.
Aujourd’hui, le village découvre l’assistanat, l’immigration, en passant par la crise des familles, les «nouveaux parents », la solitude, etc.
Du paysan, de l’artisan vannier, il ne reste plus rien ou presque. On est passé au retraité, à la femme du cadre et à l’entrepreneur. Le curé ne dit plus les trois messes basses… il est polonais.
Jean-Pierre Le Goff montre bien la différence entre la pauvreté d’hier - « nous gagnions notre vie et nous vivions au village dans une famille structurée avec un père qui savait y faire » - et celle d’aujourd’hui, prise entre déstructuration familiale et assistanat désocialisant.
Ainsi la modernisation irraisonnée et l’urbanisation du monde rural sont devenues, certes gravement problématiques, mais elles sont inexorables.
Pour tenter de le savoir, voici ce qu'écrivait l'association historique et culturelle ACAMAR sur la page éditoriale de l'ouvrage "Came 1988-1999" retraçant 11 années de l'histoire vivante du village.
Les lecteurs du Journal de Came qui ont conservé ce document pourront le vérifier : ce regard était d'une impitoyable actualité.
Pour ceux qui l’auraient oublié ou qui ne le connaitraient pas, voici les extraits essentiels de ce texte écrit en 1999 :
« Le temps semble s’accélérer. Nous l’entendons souvent, nous le disons nous-mêmes. L’horloge du temps semble en effet s’affoler, nous entrainant avec elle dans un déroulement de vie où nous perdons l’essentiel : le temps de vivre !
Les villages, petits ou moyens comme le notre, traversent comme ils le peuvent cette période de mutation rapide. Leurs responsables essaient de s’adapter au mieux, subissant souvent à leur tour des décisions qui les dépassent.
Ces dernières années ont engagé un changement important et décisif dans la façon de fonctionner de notre commune, liée à la recomposition profonde de sa population et l’apparition d’un certain nombre d’infrastructures nouvelles.
…………………………………………………………………………………….
A ce moment de la vie du village un certain nombre d’événements décisifs se déroulent :
• La dislocation du tissus familial crée des foyers éclatés, les jeunes n’habitent plus avec les anciens.
• La disparition des artisans, des commerçants, des bistrots, retire de la vie du village l’élément dynamique du renouvellement des idées qui lui étaient nécessaire.
• Les nouvelles infrastructures agricoles et industrielles qualifiées de modernes, ne sont plus à dimensions humaines. elles apparaissent comme des monstres imposants, à la gestion lourde, dans laquelle les objectifs de profit financier effacent les considérations de santé communautaire.
• L’arrivée d’une population venue d’ailleurs qui achète les anciennes métairies, les rénove et s’y installe sans intégrer pour autant la vie du village, sauf quelques cas exceptionnels, crée de nouvelles coupures définitives dans la vie des quartiers.
• La dissolution des paroisses existantes, regroupées désormais dans le cadre d’une paroisse principale, trouble profondément les repères d’une communauté religieuse en mal d’avenir.
Tous ces événements simultanés sont la conséquence directe ou indirecte de la nouvelle organisation économique du monde, dans laquelle les grandes entreprises deviennent encore plus grandes et l’individu souvent considéré que pour la part de profit qu’il représente pour elles.
Le partage du travail se fait mal et le chômage est important. La mobilité des individus en recherche d’emploi est devenue un critère obligatoire de survie.
Le tissu socioculturel se déchire donc et la transmission directe de « la Mémoire » et des gestes du savoir-faire des métiers est interrompue.
Cette nouvelle « donne » conduit à une adaptation forcée des populations, contre leur nature, à un fonctionnement déshumanisé dominé par des cerveaux électroniques.
L’Homme a-t-il un réel avenir dans ce monde dans lequel l’espérance de vie s’impose toujours, hélas, à l’espérance de santé ?
……………………………………………………………
L'ABANDON DE "L'HUMAIN" : LA TRÈS ACTUELLE LÂCHETÉ POLITIQUE
Si cet éditorial n’a pas été bien compris par tous lors de sa parution peut-être leur paraitra-t-il plus clair … presque 15 ans après.
15 ans, c’est précisément la durée de projection dans l’avenir des Schémas d’aménagement territorial en cours d’élaboration.*
Tels qu’ils sont organisés, ces projets d’aménagement n’arrêteront pas le déchirement en cours de nos communautés. Une impasse leur sera fatale et nous sera fatale par effet : l’absence de «l’Humain» au cœur de toutes les préoccupations.
La réponse que nous a donnée, à cette absence de prise en compte de "l'Humain", un haut responsable politique d’une de ces organisations territoriales est éclairante :
« Nous n’avons pas l’obligation de traiter le volet social dans ces projets. Il est vrai aussi, que traiter de l’Humain est le plus difficile».
Victimes d’une telle lâcheté politique, il ne nous reste plus qu'a accepter d’aller ensemble vers un suicide identitaire collectif.
* Voir « Vie locale » le billet sur le SCOT
Immergé durant trente années à Cadenet, un village provençal du Lubéron, Jean-Pierre Le Goff l’a vu peu à peu se transformer et perdre son identité sous le rouleau compresseur de l’inarrêtable modernité.
« Tout fout le camp » à Cadenet : les traditions provençales, le petit commerce, les amours d’autrefois, même la pétanque n’est plus ce qu’elle était.
Aujourd’hui, le village découvre l’assistanat, l’immigration, en passant par la crise des familles, les «nouveaux parents », la solitude, etc.
Du paysan, de l’artisan vannier, il ne reste plus rien ou presque. On est passé au retraité, à la femme du cadre et à l’entrepreneur. Le curé ne dit plus les trois messes basses… il est polonais.
Jean-Pierre Le Goff montre bien la différence entre la pauvreté d’hier - « nous gagnions notre vie et nous vivions au village dans une famille structurée avec un père qui savait y faire » - et celle d’aujourd’hui, prise entre déstructuration familiale et assistanat désocialisant.
Ainsi la modernisation irraisonnée et l’urbanisation du monde rural sont devenues, certes gravement problématiques, mais elles sont inexorables.
ET CHEZ NOUS, Où EN SOMMES-NOUS?
1988-1999 L'essentiel de 11 ans de la vie du village |
Les lecteurs du Journal de Came qui ont conservé ce document pourront le vérifier : ce regard était d'une impitoyable actualité.
Pour ceux qui l’auraient oublié ou qui ne le connaitraient pas, voici les extraits essentiels de ce texte écrit en 1999 :
« Le temps semble s’accélérer. Nous l’entendons souvent, nous le disons nous-mêmes. L’horloge du temps semble en effet s’affoler, nous entrainant avec elle dans un déroulement de vie où nous perdons l’essentiel : le temps de vivre !
Les villages, petits ou moyens comme le notre, traversent comme ils le peuvent cette période de mutation rapide. Leurs responsables essaient de s’adapter au mieux, subissant souvent à leur tour des décisions qui les dépassent.
Ces dernières années ont engagé un changement important et décisif dans la façon de fonctionner de notre commune, liée à la recomposition profonde de sa population et l’apparition d’un certain nombre d’infrastructures nouvelles.
…………………………………………………………………………………….
A ce moment de la vie du village un certain nombre d’événements décisifs se déroulent :
• La dislocation du tissus familial crée des foyers éclatés, les jeunes n’habitent plus avec les anciens.
• La disparition des artisans, des commerçants, des bistrots, retire de la vie du village l’élément dynamique du renouvellement des idées qui lui étaient nécessaire.
• Les nouvelles infrastructures agricoles et industrielles qualifiées de modernes, ne sont plus à dimensions humaines. elles apparaissent comme des monstres imposants, à la gestion lourde, dans laquelle les objectifs de profit financier effacent les considérations de santé communautaire.
• L’arrivée d’une population venue d’ailleurs qui achète les anciennes métairies, les rénove et s’y installe sans intégrer pour autant la vie du village, sauf quelques cas exceptionnels, crée de nouvelles coupures définitives dans la vie des quartiers.
• La dissolution des paroisses existantes, regroupées désormais dans le cadre d’une paroisse principale, trouble profondément les repères d’une communauté religieuse en mal d’avenir.
Tous ces événements simultanés sont la conséquence directe ou indirecte de la nouvelle organisation économique du monde, dans laquelle les grandes entreprises deviennent encore plus grandes et l’individu souvent considéré que pour la part de profit qu’il représente pour elles.
Le partage du travail se fait mal et le chômage est important. La mobilité des individus en recherche d’emploi est devenue un critère obligatoire de survie.
Le tissu socioculturel se déchire donc et la transmission directe de « la Mémoire » et des gestes du savoir-faire des métiers est interrompue.
Cette nouvelle « donne » conduit à une adaptation forcée des populations, contre leur nature, à un fonctionnement déshumanisé dominé par des cerveaux électroniques.
L’Homme a-t-il un réel avenir dans ce monde dans lequel l’espérance de vie s’impose toujours, hélas, à l’espérance de santé ?
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Ou bien le village perd son identité, ou bien il perd sa vie... ...ce qui revient au même! |
L'ABANDON DE "L'HUMAIN" : LA TRÈS ACTUELLE LÂCHETÉ POLITIQUE
Si cet éditorial n’a pas été bien compris par tous lors de sa parution peut-être leur paraitra-t-il plus clair … presque 15 ans après. 15 ans, c’est précisément la durée de projection dans l’avenir des Schémas d’aménagement territorial en cours d’élaboration.*
Tels qu’ils sont organisés, ces projets d’aménagement n’arrêteront pas le déchirement en cours de nos communautés. Une impasse leur sera fatale et nous sera fatale par effet : l’absence de «l’Humain» au cœur de toutes les préoccupations.
La réponse que nous a donnée, à cette absence de prise en compte de "l'Humain", un haut responsable politique d’une de ces organisations territoriales est éclairante :
« Nous n’avons pas l’obligation de traiter le volet social dans ces projets. Il est vrai aussi, que traiter de l’Humain est le plus difficile».
Victimes d’une telle lâcheté politique, il ne nous reste plus qu'a accepter d’aller ensemble vers un suicide identitaire collectif.
* Voir « Vie locale » le billet sur le SCOT
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