Nos communautés rurales, nous le
vivons, sont en mutation profonde. Cette mutation, déjà sensible depuis une
quinzaine d’années, s'accélère considérablement aujourd'hui avec l’arrivée
d’une population nouvelle, venue pour une grande partie d’une aire géographique
parfois très éloignée.
Les locaux de souche sont
particulièrement touchés par ce phénomène sociétal. Ils ont partagé la vie de
toutes les générations des familles anciennes. Ils étaient comme chez eux dans la maison familiale de leurs voisins.
Les voisins, c'étaient "leur
famille", davantage même. Ne disait-on pas couramment : "on a davantage besoin des voisins que des
parents" .
C'était l'époque de la solidarité
et de l'entraide indispensable dans le milieu rural encore peu mécanisé.
C'était l'époque du travail avec les animaux domestiques, de l'eau au puits, de
la lessive en commun au lavoir public, du pain cuit chaque semaine dans le four
communautaire...
Les familles anciennes ont
disparu peu à peu de leur lieu de vie ancestral. La maison familiale est
vendue. "La Maison", le
lieu ou reposait l'âme de la famille. Celle dont la séparation était considérée
comme impossible tellement l'esprit des ancêtres l'avait imprégnée.
Le sol était inséparable du sang
et tous le vivaient ainsi.
PROTEGER "LA MAISON"
Avant l'introduction du Code Civil, les règles d'héritage étaient régies par des coutumes spécifiques à chaque village, parfois même à certaines communautés. Ces règles étaient construites de telle manière que le Patrimoine familial était protégé.
Certes, tout n'était aussi simple
à régler sur ce point. Si l'aîné, garçon ou fille, héritait du patrimoine
familial et maintenait ainsi "la Maison", les cadets étaient régulièrement lésés. Certains même ne
voyaient leur avenir que comme "domestique" du frère ainé. Sans
héritage, ou si peu, ils étaient régulièrement condamnés au célibat.
LA NOUVELLE SOCIÉTÉ
L'accès équitable de tous à l'héritage a causé une rupture définitive avec les règles ancestrales. Si l'aîné souhaite garder "la Maison" il se doit de verser la part d'héritage qui revient à la fratrie. Dans l'évolution économique actuelle, cela est devenu de moins en moins possible, même pour les strates sociales supérieure dans laquelle se situent "les possédants".
De plus, l'escalade spectaculaire
des prix de l'immobilier a attribué une telle valeur financière à "La Maison", qu'elle a mis à mal toute
sa valeur sentimentale. Il en a été également ainsi pour les terres agricoles,
surclassées en terrains constructibles.
La tentation du plus grand profit
a eu raison de l'attachement émotionnel au patrimoine familial et à ce qui en
constitue le cœur : "La Maison".
DE SIMPLES PROPRIÉTAIRES...
Vide des générations qui en transmettaient
ancestralement la vie, la maison est déclassée au rang de simple objet,
désormais sans âme.
A l'inquiétant panneau "A Vendre" succédera le redoutable panneau "Vendu par...". Triomphe affiché d'une agence immobilière.
Les nouveaux propriétaires ne
seront plus que cela : de simples propriétaires, indifférents à une histoire
qui leur est étrangère.
La maison sera alors vidée, puis
cassée de fond en comble. Des montagnes de gravats occuperont quelques temps la
cour, que l'on appelait "basse" quand y naviguaient poules et
poussins sous les yeux de l'aïeul assis devant sa porte.
Le caractère particulier de
"la Maison de Pays" disparaîtra peu à peu sous les coups de butoir de
la standardisation. L'authenticité architecturale sombrera même dans la
caricature.
... ET AUSSI DES VOISINS ?
L'indifférence, mobilisatrice de
l'inconnaissance et des peurs qui y sont associées. Ces peurs qui nous
environnent désormais paralysent nos énergies et nous poussent à devenir des
étrangers... à nous-mêmes.
DES VOISINS, MAIS QUELS VOISINS ?
Tout est donc à reconstruire dans
le tissus social mis désormais en lambeaux.
Sur quels socles nouveaux cette reconstruction se fera-t-elle ?
Sur quelles valeurs qui pourraient être communes à des personnes d'origine si différentes?
Et surtout, qui en prendra l'initiative ? Les locaux de souche? Les nouveaux arrivés?
Sur quels socles nouveaux cette reconstruction se fera-t-elle ?
Sur quelles valeurs qui pourraient être communes à des personnes d'origine si différentes?
Et surtout, qui en prendra l'initiative ? Les locaux de souche? Les nouveaux arrivés?
Il est possible hélas que ce ne
soit personne.
Un proverbe d'origine arabe dit :
"Avant d'acheter la maison, n'oublie
pas d'acheter le voisin".
Cette sage expression met la
balle dans le camp du nouveau venu.
Les règles du
savoir-vivre occidental sont également établies ainsi. Le dernier arrivé a
toujours la responsabilité du salut.
Dans un groupe organisé, nous
nous étonnerions si l'un ou l'autre ne le pratiquait pas ainsi.
Cette règle exonère-t-elle
pour autant "l'ancêtre local" de toute démarche d'accueil?
A suivre...
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